Du Salon à la Bourse : Diderot, Balzac et la métamorphose de la critique

Thierry Grizard

12 novembre 2025

Au milieu du XVIIIe siècle, Denis Diderot invente, presque à lui seul, la critique d’art moderne. Un siècle plus tard, Balzac et Flaubert en décrivent la perversion et l’agonie industrielle. L’évolution de la presse, de l’entreprise philosophique des Salons à la « fabrique de l’opinion » dépeinte dans Illusions perdues et L’Éducation sentimentale, est l’histoire d’une démocratisation ... Lire plus

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Au milieu du XVIIIe siècle, Denis Diderot invente, presque à lui seul, la critique d’art moderne. Un siècle plus tard, Balzac et Flaubert en décrivent la perversion et l’agonie industrielle. L’évolution de la presse, de l’entreprise philosophique des Salons à la « fabrique de l’opinion » dépeinte dans Illusions perdues et L’Éducation sentimentale, est l’histoire d’une démocratisation qui se paie au prix de la corruption. Elle marque le passage d’une critique pensée comme une mission à une critique vécue comme une marchandise.

Diderot est bien le « premier critique d’art » au sens moderne, mais son exercice est paradoxal : il écrit pour ne pas être lu, ou si peu. Ses Salons, rédigés pour la Correspondance littéraire de son ami Grimm, sont destinés à une quinzaine d’abonnés prestigieux à travers l’Europe. C’est une gazette manuscrite, confidentielle, échappant à la censure. Dans cet écrin élitiste, Diderot est libre. Il n’a rien à vendre. Sa critique est un prolongement de son projet philosophique ; elle est prescriptive. Il ne se contente pas de décrire, il guide, il éduque, il moralise.

Greuze. Portrait de Diderot. 1766.
Greuze. Portrait de Diderot. 1766.

Lorsqu’il encense Greuze, ce n’est pas seulement un goût personnel ; c’est un acte militant. Il cherche à promouvoir un art « vrai », « touchant » et moral, capable d’élever l’âme, en opposition directe à la futilité du Rococo qu’il exècre. Diderot invente un langage pour parler de la peinture, il théorise la « poésie » d’une composition, la « vérité » d’une expression. Sa critique est un dialogue entre un philosophe et une élite éclairée, visant à former le goût et à réformer la société par l’esthétique.

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