Dora Maar, ou comment une artiste accomplie se mua en « Pieta Dolorosa ».

Thierry Grizard

15 septembre 2025

Dora Maar, ou comment une artiste accomplie se mua en "Pieta Dolorosa".

Photographe surréaliste reconnue avant sa rencontre avec Picasso, Dora Maar devient "La Femme qui pleure" dans l'imaginaire collectif. Analyse d'un effacement artistique et des mécanismes de mythification qui transforment une créatrice autonome en icône tragique.

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Origines familiales et jeunesse

Henriette Théodora Markovitch naît le 22 novembre 1907 à Tours. Son père Joseph Markovitch est architecte. Il vient de Croatie et a étudié à l’École des Beaux-Arts de Paris. Sa mère Julie Voisin appartient à la bourgeoisie française de province. Les revenus familiaux permettent une éducation soignée.

Dora Maar prise en photo par Picasso.

En 1910, la famille s’installe à Buenos Aires. Joseph Markovitch a obtenu des contrats de construction dans la capitale argentine en pleine expansion. Dora grandit dans cette ville. Elle apprend l’espagnol. Elle fréquente les établissements privés destinés à la bourgeoisie européenne expatriée. Cette enfance se déroule entre deux cultures sans qu’elle appartienne complètement à l’une ou l’autre.

La famille effectue des allers-retours réguliers en France. Dora passe ses vacances chez ses grands-parents maternels. Elle parle français à la maison, espagnol à l’école, anglais avec les familles britanniques du quartier de Palermo. Cette multiplicité linguistique façonne sa personnalité. Elle développe une capacité d’adaptation et une forme de distance critique.

Dora Maar. Collage.

Formation artistique à Paris

En 1926, Dora revient définitivement à Paris. Elle a dix-neuf ans. Ses parents continuent à financer ses études. Cette indépendance financière lui donne une liberté rare pour une jeune femme de l’époque. Elle abandonne le prénom Henriette qu’elle juge trop conventionnel. Dora correspond mieux à sa personnalité.

Elle s’inscrit d’abord à l’École des Beaux-Arts. L’enseignement académique ne la satisfait pas. Elle rejoint l’Académie Julian, plus ouverte aux innovations. Elle suit parallèlement des cours à l’Union centrale des arts décoratifs. Elle découvre la photographie à l’École de Paris dirigée par André Lhote.

Cette formation multiple répond à une conception globale des arts visuels. Dora refuse de se limiter à une seule technique. Elle considère que peinture, dessin, arts appliqués et photographie peuvent se nourrir mutuellement. Cette approche transversale caractérise sa génération d’artistes.

Dora Maar. Collage.

Engagement politique et collaboration cinématographique

Parallèlement à sa formation artistique, Dora développe un engagement politique de gauche qui marque profondément sa personnalité. Elle rejoint le groupe Octobre, troupe théâtrale d’avant-garde dirigée par Jacques Prévert, qui prône un théâtre populaire et militant. Cette participation l’initie aux questions sociales et politiques qui agitent la France des années trente.

Elle adhère également à l’association Contre-Attaque fondée en 1935 par André Breton et Georges Bataille. Ce mouvement réunit intellectuels surréalistes et écrivains critiques qui s’opposent à la montée des fascismes européens. Dora partage leurs convictions antifascistes et leur refus des compromissions politiques. Ces engagements forgent ses convictions révolutionnaires.

Dora Maar

Sa collaboration avec Louis Chavance, critique de cinéma influent, l’introduit dans le milieu cinématographique parisien. Elle travaille pour la revue Du Cinéma en tant que photographe spécialisée. Cette activité lui permet de documenter les tournages et de réaliser des portraits d’acteurs et de réalisateurs. Elle développe une expertise reconnue dans la photographie de plateau.

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