Marteaux & Hashtags : Vous avez dit Luddite ?

Thierry Grizard

10 novembre 2025

En 1811, casser des métiers à tisser était un sport national. Ned Ludd, leader fantôme, menait la danse contre l'automatisation. Étaient-ils technophobes ? Non. Découvrez pourquoi ces « hacktivistes » du XIXe siècle avaient tout compris aux débats sur l'IA d'aujourd'hui (sans casser d'ordinateur).

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En 1811, dans les brumes industrielles du Nottinghamshire, un certain Ned Ludd aurait fracassé deux métiers à tisser dans un accès de rage. Le problème ? Ned Ludd n’a probablement jamais existé. Mais qu’importe : son nom allait baptiser l’un des mouvements de protestation les plus spectaculaires de l’histoire britannique, où briser des machines à coups de marteau constituait une forme acceptable d’expression citoyenne.

La naissance d’un mythe (et de beaucoup de bruit)

Imaginons la scène : vous êtes tisserand qualifié en 1812, vous avez passé des années à maîtriser votre art, et voilà qu’une machine fait en une heure ce que vous mettiez une semaine à accomplir. Pire, elle le fait moins bien, mais infiniment moins cher. La réaction logique ? Organiser des raids nocturnes déguisés en femmes (si, si) pour démolir ces engins diaboliques à coups de masse.

Les luddites, ces premiers hacktivistes de l’ère industrielle, ne détestaient pas vraiment la technologie. Ils détestaient surtout le chômage, les salaires misérables et voir leurs enfants travailler seize heures par jour dans des conditions qui feraient pleurer un inspecteur du travail moderne. Mais « mouvement contre la précarisation de l’emploi et l’exploitation capitaliste naissante » était moins percutant que « casseurs de machines ».

Le général Ludd et son armée invisible

Le génie du mouvement fut d’inventer un leader fantôme : le général, parfois roi, Ned Ludd. Chaque machine brisée, chaque lettre de menace était signée de son nom. Les autorités cherchaient frénétiquement ce mystérieux révolutionnaire qui n’existait que dans l’imagination collective. C’était l’ancêtre du mème internet, version XIXe siècle, avec moins de chats et plus de marteaux.

Les luddites organisaient leurs actions avec une efficacité militaire surprenante. Ils débarquaient la nuit, en nombre, parfaitement coordonnés, détruisaient méthodiquement les machines les plus menaçantes pour l’emploi qualifié, puis disparaissaient dans l’obscurité. Certains historiens estiment qu’ils ont causé pour l’équivalent de plusieurs millions de livres de dégâts. En francs actuels, de quoi faire pâlir n’importe quel manifestant du samedi.


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