Richard Avedon et In the American West : un portrait sans fard

Thierry Grizard

3 septembre 2025

Richard Avedon et In the American West : un portrait sans fard

Richard Avedon a transformé le portrait photographique. De la mode à In the American West, il a interrogé la place du visage dans la société américaine. Analyse accessible, entre contexte et histoire de l’art.

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Biographie rapide de Richard Avedon

Richard Avedon naît en 1923 à New York. Son père tient un magasin de vêtements sur la Cinquième Avenue, sa mère l’accompagne souvent au musée. L’enfance est marquée par un double héritage : l’univers marchand et la fréquentation précoce de la culture. À l’école, il se passionne pour la photographie. Durant la guerre, il sert dans la marine marchande et photographie les marins pour leurs papiers d’identité. Des milliers de portraits pris à la chaîne forment un apprentissage empirique, rapide, sans mise en scène, qui marquera son rapport au visage.

Richard Avedon

À son retour, il étudie brièvement à la New School auprès d’Alexey Brodovitch, directeur artistique de Harper’s Bazaar. Très vite, il est embauché comme photographe de mode. Ses images se distinguent des poses figées qui dominaient jusque-là : il demande aux modèles de rire, de marcher, de danser. Il introduit du mouvement, de la spontanéité. Il photographie pour VogueLookLife. Dans les années 1950 et 1960, il réalise des portraits de Marilyn Monroe, Audrey Hepburn, Andy Warhol. Le nom d’Avedon devient associé à l’idée du portrait moderne.

Son style semble double : d’un côté, une élégance raffinée adaptée aux magazines, de l’autre une frontalité dépouillée dans ses séries plus personnelles. Il dira que le portrait est toujours une mise en scène mais qu’il vise à atteindre une vérité émotionnelle, ou au moins une intensité qui dépasse la pose.

In the American West : genèse

En 1979, le Amon Carter Museum of American Art au Texas lui propose de photographier l’Ouest américain. Avedon accepte. Pendant cinq ans, il parcourt onze États. Il ne photographie pas les paysages ni les clichés de l’Ouest mythifié. Il choisit les visages de travailleurs, d’ouvriers, de serveuses, de sans-abri, de prisonniers. Les séances se déroulent en extérieur, dans des terrains vagues, des parkings, près des routes. Il installe un fond blanc, tendu sur une structure métallique. Devant ce mur neutre, les individus apparaissent isolés, détachés de leur environnement.

Richard Avedon. The American West.

Le dispositif est répétitif, presque mécanique. Les personnes sont cadrées frontalement, à mi-corps, souvent immobiles. L’absence de décor met en évidence les vêtements usés, les rides, les gestes figés. La photographie devient une confrontation directe entre le modèle et le spectateur.

L’exposition est présentée en 1985 à Fort Worth. Les réactions sont vives. Certains critiques accusent Avedon d’exploiter la pauvreté, de transformer des anonymes en objets esthétiques destinés aux élites muséales. D’autres voient dans ces images une plongée sans fard dans une réalité sociale ignorée. Le livre qui accompagne l’exposition devient une référence dans l’histoire de la photographie américaine.

Cette série rompt avec l’image glamour d’Avedon photographe de mode. Elle inscrit son œuvre dans une démarche plus large, celle d’un témoignage social, mais avec une méthode singulière : non pas le reportage classique dans le contexte, mais la mise à nu par l’isolement du sujet sur un fond neutre.

Richard Avedon. The American West.
Richard Avedon. The American West.
Richard Avedon. The American West.

Similitudes et écarts avec les grandes figures de la photographie « sociologique »

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