Le Rococo, souvent réduit à une simple fantaisie décorative, fut en réalité l’expression la plus juste d’une société en pleine mutation. Né en France au tournant du XVIIIe siècle, cet art de la légèreté, de l’intimité et de la « grâce » s’est épanoui en opposition directe à la pesanteur solennelle du siècle de Louis XIV. Pour comprendre son éclosion, il faut d’abord saisir comment il s’est nourri de l’exubérance de ses racines italiennes et romaines, avant de les transformer en un style typiquement français.
1. Les Racines Italiennes : L’Héritage du Baroque « Décoratif »
Le Rococo est une réaction au Classicisme français (tel que vu à Versailles), mais il est aussi un prolongement du Baroque italien. Ses origines ne sont pas tant à chercher dans le drame du Caravage que dans l’exubérance décorative du Baroque tardif.
- L’architecture « ondulante » (Rome) : Des architectes comme Francesco Borromini, au XVIIe siècle, avaient déjà brisé la ligne droite. En introduisant la courbe, la contre-courbe et le mur « ondulant », ils avaient créé une architecture dynamique, presque vivante, qui refusait la rigidité classique.
- La folie du Stuc (Italie) : Plus que tout, ce sont les décorateurs italiens qui ont posé les bases. Ils maîtrisaient l’art du stuc (mélange de plâtre et de poudre de marbre) pour créer des sculptures en relief qui semblaient jaillir des murs et des plafonds.
- Les « Grotesques » (Rome Antique) : Il faut remonter encore plus loin. À la Renaissance, la découverte de la Domus Aurea de Néron à Rome avait révélé des fresques fantastiques, légères, mêlant figures humaines, végétales et animales dans des compositions fantaisistes. Ces « grotesques » (car trouvées dans une « grotte ») ont toujours représenté une alternative ludique à l’art « sérieux ».

Le Rococo français va prendre cette liberté de la courbe italienne, cette plasticité du stuc et cette fantaisie du « grotesque » pour les adapter à un nouveau besoin.
