La Villa Malaparte à Capri, architecture et cinéma

Thierry Grizard

22 novembre 2025

La Villa Malaparte se dresse sur un promontoire rocheux de Capri. Elle incarne une architecture radicale face à la Méditerranée. Adalberto Libera dessine cette maison rouge pour l'écrivain Curzio Malaparte. Le Mépris de Godard la révèle au cinéma en 1963. Lumière, pierre et mer s'y rencontrent.

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La Villa Malaparte et le Capo Massullo : Une rencontre avec l’élémentaire

La lumière sur le Capo Massullo possède cette qualité particulière qui suspend le temps. C’est une lumière qui ne ressemble à aucune autre en Méditerranée, trop blanche pour être simplement italienne, trop violente pour être grecque. Lorsque Curzio Malaparte découvre ce site en 1936, un éperon rocheux qui plonge dans la mer comme la proue d’un navire fossilisé, il comprend immédiatement que seule une architecture radicale pourra dialoguer avec cette géographie hostile. Les touristes qui débarquent à Capri cherchent les jardins parfumés et les ruelles charmantes. Malaparte, lui, veut le lieu où l’Europe finit, où la civilisation bute contre l’élémentaire.

Curzio Malaparte et l’acquisition du terrain

L’écrivain obtient le terrain grâce à Galeazzo Ciano, ministre du régime fasciste et gendre de Mussolini. L’amitié entre ces deux hommes dit quelque chose de cette époque où les compromissions se négociaient dans les salons, où l’intelligence se mêlait au pouvoir sans que personne ne semble vraiment s’interroger sur les conséquences. Malaparte n’est pas un homme simple. Journaliste, romancier, opportuniste, antifasciste puis fasciste puis communiste, il traverse le siècle avec cette désinvolture inquiétante des esprits brillants qui croient pouvoir jouer avec l’histoire. En 1937, quand débutent les premiers plans de sa villa, l’Europe glisse déjà vers le gouffre, mais sur l’île de Capri, on continue de croire qu’il suffit de bâtir haut pour échapper au désastre.

Villa Malaparte

La construction de la Villa Malaparte : Entre modernisme et démesure

Le projet architectural d’Adalberto Libera

Malaparte contacte l’architecte Adalberto Libera avec une exigence précise : une maison comme lui. Pas de colonnes romanesques, pas d’arcs, pas de fenêtres ogivales, aucun de ces mariages hybrides entre styles mauresques, romans, gothiques ou sécessionistes qui prolifèrent ailleurs en Italie. Il veut du moderne, du pur, du tranchant. Libera esquisse en 1938 les premiers plans sans même effectuer de relevé topographique du site. L’édifice prévu mesure vingt-huit mètres sur six mètres six. C’est une erreur de calcul, ou plutôt une méconnaissance de la démesure de celui qui commande. Malaparte ne veut pas une maison. Il veut un manifeste de pierre rouge posé sur le dos d’un monstre préhistorique.

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